mercredi 4 janvier 2012

LE CHÂTEAU DES ALLYMES (Ambérieu-en-Bugey)

Le château des Allymes, seul exemple de forteresse médiévale du Bugey 




Le territoire qui, entre la Bresse et le Bugey s’étendait du nord au sud, depuis le Jura actuel jusque sur les bords du Rhône, formait ce qu’on appelait la « Manche de Coligny » et appartenait aux seigneurs du même nom. 

Petit à petit, cette seigneurie fut démembrée au gré des mariages.

En 1232, une grande partie fut apportée en dot par Béatrice de Coligny à son mari Albert de la Tour du Pin.
La Marche de Coligny comprenait à la fois le Revermont et les régions d’Ambronay, d’Ambérieu et de Lagnieu, jusqu’au Rhône où se trouvait la pierre de Coligny.

Puis cet ensemble passa à Humbert de la Tour du Pin, frère d’Albert, avant de passer au Dauphin de Viennois, (sauf le Revermont qui fut acquis en 1289 par le comte de Savoie).
Ainsi la Bresse (acquise en 1272 par le mariage d’Amédée V avec Sybille de Bâgé) et le Revermont, étaient devenues possessions savoyardes.

Ces terres étaient cependant isolées des autres terres du Comté :
- sur la rive gauche de l’Ain (de Thoirette à Poncin et Cerdon) par les terres du seigneur de Thoire-Villars
- au sud par Ambronay et Ambérieu, possessions dauphinoises.

La Savoie devait donc acquérir un passage sûr pour accéder à la Bresse et au Revermont.

Or, entre le molard de Luisandre, situé à l’extrémité nord-ouest de la terre de Saint-Rambert (savoyarde depuis 1196), et le sud de la région Bresse-Revermont, à Pont-d’Ain, il n’y avait qu’une dizaine de kilomètres et une seule paroisse : Ambronay.


L’abbé d’Ambronay avait placé son abbaye sous la protection savoyarde en 1282 ce qui permis, en 1285, de rattacher la Bresse au reste du Comté, mais du même coup il avait trahi la cause du clan dauphinois.


En effet, en perdant la région d’Ambronay, le Dauphin se trouvait désormais séparé de ses alliés réels ou potentiels : les sires de Chalon ou les comtes de Genève (établis à Varey depuis 1240).
Quant au sire de Thoire-Villars il voyait désormais ses terres de Dombes (Villars) de ses terres de la Montagne séparées.

La guerre éclata dès 1283.
En 1290, le dauphin pris Ambronay que le comte de Savoie fit ravager et incendier par ses hommes qui brûlèrent aussi Varey.

De nombreuses constructions militaires virent le jour aux alentours.

En mai 1299, le comte craignant une attaque contre son pont sur l’Ain (Pont-d’Ain) renforça la garnison d’Ambronay et commença à fortifier Pont-d’Ain ou il construisit une ville nouvelle.

Le comte devait lutter :
-au nord et à l’est, contre Jean de Chalon et contre le sire de Thoire-Villars.
- au sud contre le dauphin,
- et au sud-est contre l’archevêque de Lyon, Louis de Villars, qui envoya des troupes sur Richemont et sur Ambronay.

La région de Luisandre se trouvait aux confins des terres de Saint-Rambert (Savoyarde) et des terres de Saint-germain (Dauphinoise) or c’était la voie de passage la plus courte pour aller de la cluse de Saint-Rambert et de la Savoie à Ambronay et de là à Pont-d’Ain et en Bresse.

Le comte de Savoie décida de fortifier le sommet du Molard de Luisandre (la bâtie de Luisandre) qui dominait toute la vallée à 804m d’altitude. 




Aux alentours de 1310, afin de s’opposer à la bâtie de Luisandre du comte de Savoie, le Dauphin il en fit construire une le plus près possible (à 800m à vol d’oiseau) : la bâtie des Allymes, sur un mollard moins élevé.

La construction fut très difficile.
Un rassemblement d’une semaine eut lieu en juin 1312, pour lutter contre l’édification des Allymes et en faire le siège.
A la fin de l’année 1312, quatre clients de la châtellenie de Saint-Rambert mirent le feu aux maisons d’habitation (loges) de la bâtie des Allymes pendant que des troupes savoyardes tentèrent de pénétrer dans la ville d’Ambérieu.
Lorsque les deux bâties furent édifiées, une trêve fut conclue entre les ennemis.
Les 2 camps s’engageaient à ne pas faire de nouvelles constructions aux bâties, constructions faites principalement de terre et de bois.

La trêve de 1313 fut vite violée.

Les adversaires transformèrent chacun leur bâtie en un château de pierre (1315-1320) afin d’assurer une meilleure défense de leur frontière.

Les maîtres d’œuvre des Allymes sont deux maçons, Perronnet et Guillemet d’Hières.
En septembre 1321, le château avait son aspect définitif.  

Le château des Allymes avait un rôle stratégique car situé en bordure de la plaine d’Ambronay, secteur le plus disputé en raison de son importance stratégique et politique. 
Au nord du château on avait édifié une sorte de basse-cour ou « récept » (receptum) destiné à abriter une petite population que l’on faisait venir pour occuper en quelque sorte le pays, ou qui venait se réfugier là en temps de troubles.

Il était protégé, à l’est, par une courtine qui prenait appui sur la tour ronde du château (on redoutait une attaque de Luisandre) et, au nord, sur une autre tour ronde en partie conservée.
Les autres côtés étaient bien moins défendus.

Des bourgs étaient construits à la même époque auprès de la plupart des châteaux : Pont-d’Ain, Ambérieu, Saint-Rambert et Luisandre (habité au moins jusqu’au XVIe s).

En 1321, le comte de Savoie s’empara de la principale place forte dauphinoise de la région : Saint-Germain, et prit d’assaut la ville d’Ambérieu.

Les Allymes étaient désormais un des derniers bastions dauphinois sur la rive droite de l’Albarine, au milieu des terres savoyardes.
En 1333, le Dauphin Guigue mourut accidentellement devant le château de La Perrière.

Grâce à l’intervention du roi de France, un traité, signé à Lyon le 7 mars 1335, mit fin à la guerre delphino-savoyarde.

Le châtelain Guy de Lutrin remit le Château des Allymes au comte de Savoie le 23 novembre 1335.
Cependant, l’insécurité restait grande en raison de la présence des dauphinois sur la rive gauche de l’Albarine et de la menace éventuelle du comte de Genève et du sire de Thoire établis à Varey et à Poncin.
Les contestations sur les frontières de l’Albarine restaient très vives.

Un traité de paix définitif  fut signé à Paris le 5 janvier 1355 par le roi Jean le Bon et son fils Charles, Dauphin de Viennois depuis 1349, et par Amédée VI de Savoie.

La frontière delphino-savoyarde était repoussée sur les bords du Rhône.
Par conséquent, le château des Allymes se trouvait maintenant relégué dans la montagne, loin de la frontière, perdant ainsi tout intérêt stratégique.
De 1354 à 1477, le château appartint à la famille François
Afin d’éviter une charge financière supplémentaire, le comte de Savoie, Amédée VI, le remit en fief, avec tous les droits de justice sur les alentours, à l’un de ses vassaux, Nicod François, dès juillet 1354, quelques mois avant le traité de paix.
Dès lors le château et sa seigneurie relevèrent du domaine privé.
Nicod François mourut peu avant 1379.
Son arrière-petit-fils, Amédée, seigneur des Allymes et de Montverd, épousa Louise de Marsey, dont il n’eut qu’une fille, Claudine.
Cette dernière épousa Humbert de Lucinge en 1477.

La famille de Lucinge

Humbert fut ambassadeur de Savoie en France en 1478.
Son fils Bertrand de Lucinge, fut conseiller du duc de Savoie.
Son petit-fils, Charles de Lucinge, fut un personnage atypique qui aurait fait tuer les amants de sa femme, Péronne de Beauvoir, de même que l'un de ses serviteurs, ainsi que d'avoir transformé les Allymes en un repaire de bandits pillant et rançonnant les habitants des alentours.
Charles et sa seconde femme Anne de Lyobard eurent pour fils, René de Lucinge, écrivain et ambassadeur du duc de Savoie.

Le 17 janvier 1601, le traité de Lyon fut signé, rattachant les pays de Bresse, Bugey et de Gex à la France.



Le duc de Savoie, Charles -Emmanuel, reprocha à son ambassadeur, René de Lucinge, de n'avoir pas assez défendu sa cause lors des négociations.
René se retira donc dans son château des Allymes, désormais en terre Française, et prêta hommage au roi Henri IV, dès le mois de décembre 1601.

Mais le duc le somma de rentrer en Savoie, de se "mettre à la merci de sa justice", de lui rendre les archives qu'il pouvait détenir de ses précédentes missions, et de lui prêter hommage pour ses terres du Faucigny.
René de Lucinge refusa et préféra abandonner ses terres savoyardes.

A cette époque, le château des Allymes  est suffisamment important pour abriter le seigneur, sa famille, les gentilshommes et les serviteurs et possède même une chapelle.
René de Lucinge avait acquis également le château de Luisandre.

Les deux châteaux passèrent à la famille de Suduyraud puis en à Jacques Estienne, écuyer de Lyon, qui mourut vers 1743.
Les seigneuries passèrent ensuite à Dominique Dujast, à sa veuve Marie-Anne Bottu de Saint-Fonds en 1747, à sa fille Lucrèce d'Areste d'Albonne, puis en 1765 à son mari, Pierre Dujast d'Ambérieu, écuyer, demeurant à Lyon.
Après la Révolution Pierre Dujast fut réintégré dans ses biens et mourut en 1821, à 82 ans.
Le château se trouvait alors dans un état de délabrement assez avancé.

A la mort d'Abraham Dujast, fils de Pierre, en 1847, le château ainsi que ses autres biens passèrent à son neveu Adolphe de Tricaud d'Ambérieu, qui entreprit la restauration des Allymes.

Les courtines furent relevées et pourvues d'un nouveau chemin de ronde.
Il fit couvrir la tour ronde, et aménager un musée rassemblant des armures, des meubles et des ustensiles du Moyen Age. 





La famille de Tricaud vendit le château en 1959 à Monsieur Peyre, qui signa une convention avec la nouvelle association des Amis du château des Allymes et de René de Lucinge, fondée en 1960 pour la mise en valeur du site.


Le château des Allymes depuis 1960 :

20 juillet 1960 : classement au titre des Monuments Historiques.

1964 : restauration du donjon et du logis gothique avec aménagement de 6 salles pour les expositions.

21 août 1967 : inscription des ruines de l'enceinte extérieure à l'Inventaire supplémentaire

1977 : restauration de la toiture et de la charpente de la Tour ronde.

En 1984 acquisition du château par la commune d'Ambérieu.

1990 : couverture des quatre courtines et de la grange et pose de glaces pour fermer les ouvertures. 

1991 : rétablissement de la barbacane de l'entrée principale dans son aspect d'origine, et consolidation du grand mur de la basse-cour, avec sa tour.
Eclairage extérieur et mise en valeur des abords par l’aménagement de sentiers de découverte de la faune et de la flore locales par l’ONF.

L’Association des amis du château des Allymes et de rené de Lucinge organise régulièrement des expositions, des concerts, et des spectacles et permit la visite de ce monument.

Source : Paul CATTIN, monographie Château des Allymes, 1991


Description actuelle

Grand mur de fortifications long de 90m terminé par une tour de guet préservant jadis le bourg adossé à ses murailles.


Donjon du XIVe siècle de type roman et tour circulaire réunis par quatre courtines.

Logis du XVIe siècle, accolé au donjon, de style gothique comportant un escalier en vis desservant les étages.


À l'intérieur : habitat de type gothique adossé au donjon aux belles salles avec charpentes bien conservées, barbacane (rempart avancé) qui commandait l’entrée.



HERALDIQUE : armes des Allymes, de la maison de Savoie et du Dauphiné

Pour en savoir plus et visiter le château des Allymes : www.allymes.net

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