dimanche 26 février 2012

LA PESTE DANS LE BUGEY AU MOYEN-ÂGE

Quelques mots sur un terrible fléau

La peste (du latin pestis, fléau) maladie à multiples facettes, mortelle pour l'homme, est causée par le bacille Yersinia pestis.

La maladie peut-être bubonique ou pulmonaire.
Dans le cas de la peste bubonique, le virus est transmis par une piqure de puces venues de rats infectés.
Après une incubation de plusieurs jours, apparaissent des crachats sanguinolents, puis des gros ganglions, ou bubons, aux aines.
Les effets sont mortels en moins de 8 jours. Peu en réchappent.

Allégorie de la peste, Giovanni Sercambi



Dans le cas de la peste pulmonaire, la contagion se propage par simple contact avec le malade, par la toux ou la salive et la mort est certaine.

Les textes médiévaux appellent pestes toutes les formes d’épidémies, si bien que ces maladies sont difficiles à distinguer.

Les deux se manifestent par des frissons, de la fièvre, des migraines, des vomissements.
Boccace décrit la peste bubonique ainsi :

« Des tumeurs, grosses les unes comme une pomme, les autres comme un œuf, se développaient d’abord à l’aine puis sous les aisselles : ces tumeurs se nommaient vulgairement galvoccioli. Bientôt elles se montraient sur toutes les parties du corps ; puis apparaissaient des tâches noires ou livides sur les bras ou les cuisses ».

Les auteurs évoquent également la sècheresse de la gorge, les hémorragies nasales et pharyngiennes, les pétéchies, la gangrène, la céphalalgie, la fièvre ardente et le délire.

 


LA PESTE NOIRE

La peste noire frappe l’Europe en 1348.

Ramenée en 1347 du comptoir gênois de Caffa en Méditerrannée occidentale par des navires, elle se propage par la route de la soie puis par les routes commerciales  terrestres.

Le fléau frappe villes comme campagnes.

La Bresse est affectée au printemps 1348.
La peste décime 86% de la population de Pont-de-Vaux.
Pont d’Ain est touché en mars.
En août, Evosges perd la moitié de sa population
La Savoie, quant à elle, aurait perdu entre un tiers et la moitié de sa population.

Le 20 janvier 1349, une procession est organisée à Ambronay en l’honneur de Saint Sébastien pour qu’il intervienne contre la peste qui ravage le pays.

D’autres pestes réapparaissent de façon régulière, tous les 10 ans environs, jusqu’à la fin du moyen-âge, ce qui anéantit toute reprise démographique.

La décroissance de la population, déjà entraînée par les famines et autres maladies, est amorcée après 1348.
Il faudra attendre la fin du XVe siècle pour voir apparaître des signes de reprise.

La peste noire semble avoir tué en Europe le quart ou la moitié de la population, soit 25 millions (45 000 personnes à Lyon).
 
LES "REMÈDES" :

Il n’existe alors aucun moyen de lutter contre la peste.
Elle touche les professions en contact avec les habitants, comme les médecins, les notaires, ou encore les fossoyeurs, mais surtout les plus pauvres, qui ont une mauvaise hygiène et une faible résistance aux maladies.

Les moyens curatifs proposés sont inefficaces et souvent inaccessibles aux plus pauvres,

Certains « remèdes » comme l’incision des bubons sont très douloureux et dangereux.
C’est pourtant une technique alors couramment pratiquée.

Pour assainir l’air, on brûle de grands feux, dans lesquels on jette des pommes de pin, du laurier ou d’autres plantes odoriférantes.
On utilise aussi le vinaigre pour se laver et asperger les logements.
Et surtout on fuit. Les citadins dans les campagnes
 (« la serrade »), dans des cabanes dans les bois où ils se cloîtrent.

Les malades sont enfermés dans leurs maisons dont les portes et fenêtres sont clouées par les autorités.

On jette les cadavres par les fenêtres pour que les membres des confréries s’en saisissent (avec des crochets) et les transportent, sur les charrettes, à destination des fosses communes creusées aux alentours des villes.
 

 Pour conjurer l’épidémie de peste, des processions sont organisées.
Les moines, portant des reliques, défilent en priant derrière le Saint Sacrement.
Mais ces regroupements favorisent encore davantage la propagation de la maladie.
L’idée répandue était que le fléau était un châtiment divin punissant les hommes pour leurs péchés.
Une bulle de septembre 1348 évoque « la pestilence dont Dieu afflige le peuple chrétien ».

 


Des laïques, dans un esprit de pénitence excessif, suivent même la croix en se flagellant avec des lanières parfois garnies de fer.
Le Chronicon Henrici de Hervordia rapporte comment ils se mutilaient :
« Chaque fouet se composait d’un bâton avec, à son extrémité, trois lanières
comportant des noeuds. Chaque noeud était transpercé en son centre par deux
pointes métalliques, tranchantes comme des rasoirs, qui dépassaient de chaque
coté en formant une croix de la longueur d’un grain de blé à peu près. C’est
avec ce fouet qu’ils cinglaient leurs corps nus jusqu’à ce qu’ils ne forment plus
qu’une masse de chairs gonflées, lacérées, dégoulinantes de sang qui éclaboussait
les murs. Il m’est arrivé de voir pendant les flagellations les pointes de
métal entrer si profondément dans la chair qu’il fallait s’y reprendre à deux ou
trois fois pour les en faire sortir ».

 
Ce mouvement des flagellants, entraînant des troubles à l’ordre public, sera condamné par l’Eglise.
Philippe VI ordonne le 13 février 1350 « que cette secte damnée et réprouvée par l’Eglise cesse »

Des mesures d’« hygiène publique » sont prises ou réactivées, un peu partout où frappe la maladie.

A la demande de Philippe VI de Valois, le Collège de la Faculté de médecine rédige un compendium ou traité sur la maladie.
Ses membres conseillent, pour s’en protéger, de « choisir le bon air », d’allumer des feux de bois odoriférants, de brûler des troncs de choux et de pelures de coings, de se baigner en eau chaude, ne pas trop manger, d’assaisonner la viande avec des épices fines, et plus cocasse, de « faire abstinence de la femme ».
Pour eux, la cause réelle de l’épidémie était « la constellation céleste », la conjonction de trois planètes.

En 1352, une ordonnance royale est promulguée, établissant pour le royaume des règles sanitaires afin d’éviter une nouvelle hécatombe.

Toutes ces mesures sont prises pour combattre la corruption de l’air, conformément aux croyances médicales de ce temps. On pensait alors que le risque de contagion provenait des mauvaises odeurs des détritus.

Les villes sont particulièrement touchées, car l’entassement de la population, l’insalubrité et les difficultés d’approvisionnement favorisent la contagion.


LES CONSÉQUENCES SOCIALES


Une des conséquences de cette épidémie est le désordre social, décrit par les chroniqueurs.
On cherche des coupables.
Les juifs sont accusés d’être des semeurs de peste et d’empoisonner les puits. Nombreux sont ceux qui périssent sous le joug de la vindicte populaire.
Le Comte de Savoie tente de protéger puis laisse finalement massacrer les Juifs du ghetto de Chambéry.


En octobre, les massacres sont perpétrés dans plusieurs cantons du Bugey.
Le Dauphin condamne d'abord ces massacres comme des assassinats, puis il ordonne l'arrestation des juifs et la confiscation de leurs biens. Les habitants du mandement de Saint Sorlin massacrent les juifs à Lagnieu, le bourg le plus important du mandement et où les juifs occupaient une rue.
Des attaques sont aussi menées contre les clercs, les étrangers, les mendiants, les pèlerins les musulmans et les lépreux.

Le chroniqueur Froissart, contemporain de l’épidémie, évalue pour sa part les victimes au tiers de la population :
« En ce temps, une maladie, que l’on nommoit épidémie, couroit, dont bien la tierce partie du monde mourut ».

Dans le royaume de France, en 1349, la reine Jeanne de Navarre, fille du roi Louis X le Hutin et de Marguerite de Bourgogne, ainsi que Bonne de Luxembourg, épouse du dauphin Jean sont emportées par la peste.

Peste, guerre, famine de 1349, déprédations des bandes de brigands, surmortalité d’un grand nombre de contribuables, interruption des échanges commerciaux, etc

Ces épidémies ont de graves conséquences sociales car elles entretiennent la crise : la population, mal nourrie est réceptive aux maladies. Ces épidémies éliminent une grande partie de la population et favorisent donc la surproduction agricole, et par conséquent la baisse des prix et des revenus agricoles, ce qui entraîne la misère.

Et la misère entretient la maladie… C’est un cercle vicieux.

En revanche, les survivants bénéficient de la carence de main d’œuvre et, par conséquent, d’une hausse des salaires urbains pouvant entraîner un exode rural.

La mort était devenue une obsession : les danses macabres ornaient les églises 

Les pauvres vendent tous leurs modestes biens pour se nourrir.
Les comptes de la châtellenie de Virieu-le-Grand recensent de nombreuses terres vendues dans ce village et à Ceyzérieu par les les tenanciers du domaine, ruinés par les guerres, la famine et la peste de 1348, à la famille Prost.

Les épisodes de peste se succèdent : 1364, 1371, 1396, 1420, 1444, 1455, 1564-65,1576-77, 1586-88, 1596-1600 en Savoie,
comme dans le Bugey en 1472, 1476, 1482, 1484, 1496, 1564, 1628-1629 (c’est à cette période que Belley se voue à St Anthelme), 1723 à Belley, 1724-25 à Belmont-Luthézieu

Dans ces conditions, il importe avant tout d'isoler les villes et les régions atteintes.

La maladrerie Saint-Roch à Bourg-en-Bresse fut créée par la ville lors de la peste de 1472 derrière le prieuré de Brou, au niveau du cimetière. Lorsque Marguerite d’Autriche fit construire l’église de Brou à partir de 1506, comme nécropole pour son défunt mari le duc Philibert II de Savoie, elle fit détruire la maladrerie de Brou pour améliorer la salubrité et l’hygiène de ses sujets. Par son testament de 1508, elle fit don d’une somme importante pour la reconstruire au hameau Saint-Roch, à l’extérieur de la Ville, là où, en bordure de la forêt de Seillon, vers le Cône, se trouvaient depuis la fin du XVe siècle des cabanes pour les pestiférés.


Le 10 juin 1564 : le notaire de Saint Rambert signale que « la maladie de la peste est à Oncieu ». Dans le même mois, le notaire enregistre 8 testaments, mentionnant tous la peste.
Les pesteux doivent s’écarter dans les bas-fonds, d’abord dans la prairie d’Oncieu, puis jusqu’au pont de la Mandorne, d’où on leur jetait leur nourriture.
Saint Rambert était un gîte d’étapes pour des troupes qui semaient la peste sur leur passage.

L’épidémie atteint Evosges et Corlier en 1588.

Les rares pesteux guéris ne rentraient dans leur maison qu’après le passage des nettoyeurs de peste. Le prix pour nettoyer une habitation était d’environ la location annuelle d’une maison, soit en 1588 30 florins Savoye à Evosges.

La peste refait son entrée en France sous le règne de Louis XIII, toujours par le port de Marseille.
En 1628-1631, elle touche plusieurs dizaines de cités, de Toulouse à Dijon, et tue encore quelques centaines de milliers de victimes.
Lyon fut de nouveau touchée aux alentours de 1628 où on voit le chirurgien Jacques Crétenet, futur fondateur de la congrégation des Joséphistes, se mettre au service des malades alors que la plupart des médecins avaient fuit à la campagne.

N. Maurent, poète de Miribel, dans « la fille du temps, c’est-à-dire la vérité » décrit la situation dans l’ancienne capitale des Gaules :

Nos rues sont toutes bordées
de malades et de tombeaux
On ne void courir que corbeaux
qui ont nos portes abordés
Les charriots sont tous chargés
d’hommes et de femmes meslangés
Le pauvre orphelin et la vefue
déplorent leur perte si fort
Qu’on ne peut pour faire de trefue
Entre leur douleur et leur mort


Quinze à vingt mille personnes succombèrent, soit près de la moitié de la population lyonnaise.

La population cherche des intercesseurs et se tourne vers des figures protectrices
comme saint Sébastien, la Vierge, saint Louis et au XVe siècle, saint Roch.


Vers 1723 la peste envahit la ville de Belley. 
Quand elle disparaît une statue de Saint Roch grand thaumaturge originaire de Montpellier, sollicité contre les épidémies et particulièrement celle de la peste, y est installée.
Disparue à la Révolution, elle sera remplacée par une statue en pierre.



La ville de Lyon se place sous la protection de la Vierge Marie en 1643, année où le sud de la France est touché de nouveau par la maladie : les échevins de Lyon, le prévôt des marchands et les notables font alors vœu de rendre hommage chaque année à la Vierge si l’épidémie de peste cesse. La peste s’étant arrêtée aux portes de Lyon, un cortège solennel se rend depuis, chaque 8 septembre, jour de consécration de la ville à la Vierge, depuis la Cathédrale Saint-Jean à la basilique Notre-Dame de Fourvière pour lui offrir cierges et écus d’or.

Un 3e cycle de peste touche la France jusqu’en 1720, date de la dernière épidémie débutant par Marseille. 

Au début du XVIe siècle, l'Italien Jérôme Fracastor conteste que la maladie se propage par voie aérienne et suggère une contagion d'homme à homme ou d'animal à homme.

Dans le Bugey, au XVIIIe siècle, beaucoup de villageois « apportent des enfants à la mamelle » à Lyon pour un peu d’argent, ce qui véhicule également les maladies.
Entre 1749 et 1763, les décès d’enfants lyonnais sont nombreux.

En 1662, Colbert introduit la technique de la «ligne» en France : un corps de médecins est spécialement chargé de détecter l'épidémie et l'armée se doit d'isoler avec rigueur les zones contaminées.
Le comte de Tavannes, gouverneur de Bourgogne, Bresse et Bugey, ordonne d’établir des gardes de santé dont le rôle dont le rôle serait d’empêcher la propagation de la maladie par des personnes ou des transports de marchandises venant de pays infestés. Ils doivent faire des rondes dans les cabarets, les hôtels, les logis suspects, pour noter les mendiants, les étrangers, et vérifier leurs certificats de santé, brûler les marchandises en provenance des pays contaminés.
C'est un succès et l'on n'entend bientôt plus parler de foyers d'infection.

Mais, au fil des années, la vigilance se relâche. 
Belley est touchée en 1723, St-Rambert en 1729 et 1730.

En Occident, la maladie ne disparaît donc que très progressivement au cours du XVIIe siècle, des flambées, parfois majeures, se manifestant encore au XVIIIe siècle, voire au XIXe siècle
 .

Ce ne sera qu’en 1894 que le médecin Alexandre Yersin de l’Institut Pasteur isolera le bacille de la peste et que cesseront les épidémies en Europe.


Cet article sera 
régulièrement complété par de nouvelles données.


BIBLIOGRAPHIE :


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"Biographie universelle ou dictionnaire historique: contenant la nécrologie des hommes célèbres de tous les pays, des articles consacrés à l'histoire générale des peuples, aux batailles mémorables, aux grands évènemens politiques  etc. : depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours", Volume 1
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Sites web :

Répertoire des fonds d’archives des Hôpitaux de Bourg-en-Bresse de 1301 à 1789
Lien

ALBARINE- Médecins et chirurgiens d’un autre siècle - Auteur inconnu
Article Voix de l'Ain - 2009

La persécution des juifs :
http://www.mediterranee-antique.info/Moyen_Orient/Graetz/HJ_411.htm

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