dimanche 19 février 2012

LES ANCIENS SANATORIUMS D'HAUTEVILLE


Le Plateau d'Hauteville est réputé pour ses activités sportives pleine-nature mais aussi pour ses services dans le domaine de la santé, depuis l'ouverture, pour des raisons climatiques,  de son premier sanatorium, Félix Mangini, le 23 août 1900.






Qu'est-ce-qu'un sanatorium ?
Sanatorium vient du latin, sanatus, participe passé de sanare (« guérir »).
Un sanatorium est un établissement médical spécialisé dans le traitement des différentes formes de la tuberculose.


La naissance de l'activité de soins à Hauteville :
Un docteur du Plateau, Jean-François Dumarest avait remarqué les effets bénéfiques du climat sur ses patients.
Son fils, le Docteur Frédéric Dumarest, décida de se consacrer à la lutte anti-tuberculeuse et à la création d'un sanatorium à Hauteville.
La montagne et l'éloignement de la pollution des villes et des industries étaient sensées contribuer à un retour à la santé.
Il présenta son projet à Félix Mangini, maire de St Pierre la Palud,  qui avait créé en 1897 l’Œuvre Lyonnaise des Tuberculeux Indigents, reconnue d’utilité publique.

La tuberculose était alors un véritable fléau et il n'existait pas de traitements efficaces.
le sanatorium, d'une capacité de 120 lits, dépendra des Hospices de Lyon.

Le sanatorium de Hauteville fut le premier sanatorium populaire en France et également le premier en climat de montagne.


Les sanatoriums, souvent très vastes étaient conçus de manière à y faciliter l'hygiène.
Le sanatorium était un lieu de repos.
En 1919 la loi Honnorat impose la création d'un sanatorium par département.

Devant le succès rencontré, furent construits ensuite ceux de :

Bellecombe en 1903 (75 lits), 




Belligneux (Lompnès) en 1912 (confortable maison de 60 lits),

le château d'Angeville (Lompnès),
ancienne propriété des Ducs de Savoie 
acquise par un hôtelier de Vichy, réquisitionnée pendant la Première guerre, transformé en sanatorium de 30 lits par la Croix Rouge en 1916 et destiné à l'origine aux militaires (depuis 1970 centre de rééducation fonctionnelle). 


Une construction 
adjointe au château contiendra 100 lits de plus pour les officiers 




l'Albarine en 1930



Vue des senatoriums


De nombreuses pensions aux alentours recevaient également les malades.

Au total, près de 300 malades, 6 médecins, sur les communes d'Hauteville et de Lompnes.

Le succès fut considérable : les malades arrivaient de toute l'Europe attirés par la renommée de la station et de son fondateur, entraînant ainsi le développement économique de tout le plateau.



Le sanatorium de l’Espérance durant la seconde guerre mondiale
Dans les années 30, de nombreuses familles de juifs polonais fuyant les persécutions nazies arrivèrent à Hauteville.

Le 11 novembre 1942, l’armée allemande envahit la zone sud.
Le territoire compris entre la rive gauche du Rhône et la frontière italienne est occupé par les Italiens jusqu’au 8 septembre 1943 (au sud d’une ligne Ambérieu-en-Bugey –Nantua – Bellegarde-sur-Valserine)  et devient un refuge pour de nombreux juifs.

Le département de l’Ain, en raison de sa situation frontalière, voit la création de nombreux maquis, l’afflux de juifs persécutés, la répression allemande et la mise en place de réseaux d’aide.

Le maire de Lompnes, Léon Bonafé, médecin chef du sanatorium de l’Espérance d’Hauteville, de la Fondation Rothschild y soigne et cache des femmes juives, dont les enfants sont accueillis chez des familles du plateau.
Un réseau de confiance se créé ainsi entre les « mères de l’Espérance » et les « nourrices de Cormaranche ».
Une de ses mères soignée à l'Espérance était celle du petit Georgy Halpern , enfant d'Izieu, déporté et mort à Auschwitz (voir son histoire sur le site du mémorial des enfants d'Izieu)

Léon Bonafé est soutenu par le Docteur Frédéric Dumarest. 

Georges Levy dans "Les enfants de l’Espérance. Hauteville 1939-1945" écrira : 

Les enfants cachés d’Hauteville ont gardé un souvenir plutôt bon de l’Espérance et son grand parc où ils jouaient, insouciants de la guerre, près de leurs mamans. […]
Les pensionnaires de l’Espérance vivaient dans les meilleures conditions possibles en temps de guerre. […] Hauteville était un monde presque paisible jusqu’à l’arrivée des Allemands. »


Par la loi du 29 novembre 1941, le gouvernement de Vichy impose à toutes les organisations juives de se regrouper dans un organisme étatique, l'UGIF (Union Générale des Isréalites de France) sous contrôle policier et financier de l'Administration française, et des autorités allemandes, et auquel tous les Juifs adhérer.
L'UGIF se substitua donc à la Fondation Rothschild pour payer les familles pauvres bénéficiant des soins donnés à l'Espérance.

Devant le durcissement de la politique anti-juive, des familles d'accueil du plateau osèrent cacher des mères juives ou accueillir des enfants.
Il y a quelques années, 60 ans plus tard, 7 anciens Enfants de l'Espérance sont revenus remercier les familles qui les hébergeaient à cette période.

(Claude Kolski, Hommage à Madame Robert, ma nourrice de guerre (1943-44))



Aragon, dans sa jeunesse, séjourna durant ses vacances, en 1906 et 1907, au Château d'Angeville, que l'on reconnaît dans son roman « Les Voyageurs de l’impériale » qui paraît en 1942.

Le Centre Hospitalier Public d’Hauteville a vu le jour le 1er janvier 2000.

Il est issu de la fusion des 3 établissements hospitaliers publics de la station climatique d’Hauteville Lompnès :

Le Centre Médical Bellecombe Espérance :
 
 l'ancien sanatorium a été reconverti en 1969 en établissement spécialisé en pneumologie et soins intensifs respiratoires. Il est composé de 2 pavillons : l’Espérance (loué depuis 1956 à la fondation Rothschild) et Bellecombe.  







Le Centre Médico-Chirurgical Interdépartemental :
sanatorium créé en 1935 et reconverti en centre de rééducation depuis les années 70.

Le Centre Médical Belligneux Albarine : reconverti en 1973 en établissement de moyen séjour.

Aujourd'hui, le plateau est toujours réputé pour ses centres de soin, maisons de repos et centres de rééducation.



Bibliographie :
Marie Gadoud, 
Revue de géographie alpine, année 1920, volume 8, numéro 8-4, pp. 627-645

DUMAREST, Fr. L’hospitalisation des tuberculeux à l'étranger. Etude critique pour servir à la création du sanatorium d’Hauteville (Ain). Lyon : Alexandre Rey, 1897.

Doctorat : Histoire des sanatoriums en France (1915-1945). Une architecture en quête de rendement thérapeutique,sous dir. A-M. Châtelet et B. Richelin, soutenue le 29 juin 2010

Le rhumatisme tuberculeux au sanatorium d'Hauteville. Louis-Joseph de. Mouxy, 
First Edition . Broché . Lyon . 1905

CAHIERS DU DREFFIA
N°15 (2008) :  
 L'évolution de la conception du sanatorium dans la station d'Hauteville (2e partie)
N°9 :   Les voyageurs de l’Impériale " : Aragon et Hauteville-Lompnes (par Louis Guy) Les voyageurs de l’Impériale " : Aragon et Hauteville-Lompnes (par Louis Guy)

Tuberculose et montagne. Naissance d'un mythe Pierre Guillaume Vingtième Siècle. Revue d'histoire Année 1991 Volume 30 Numéro 30 pp. 32-39

Le sanatorium familial de Montigny-en-Ostrevent (Nord) : échec d’une tentative de création d’un établissement antituberculeux modèle, de caractère national
Pierre-Louis Laget, conservateur du patrimoine. Inventaire. Région Nord-Pas-de-Calais



Sites : 






1 commentaire:

  1. Je suis très sensible à cet article. Je suis en effet native d'Hauteville et infirmière au CHPH depuis 1989.

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